Passage en force de Macky Sall : une profonde crise en vue au Sénégal !

Report de l'élection présidentielle au Sénégal

La proposition de loi portant report de l’élection présidentielle du 25 février a été adoptée hier par l’Assemblée nationale du Sénégal dans des circonstances regrettables. Des gendarmes ont fait irruption dans l’hémicycle pour expulser les députés qui s’opposaient au vote. La suite des évènements reste imprévisible même si le président Macky Sall semble avoir la main.

Depuis le week-end, le Sénégal est en ébullition après la décision d’annulation de l’élection présidentielle du 25 février, prise par le président Macky Sall. Ce dernier s’est justifié par des soupçons de corruption qui pèsent sur certains juges du Conseil constitutionnel. Mais ce scénario, une première au Sénégal, risque d’avoir de lourdes conséquences sur la stabilité politique du pays.

Report de l’élection présidentielle

Hier, à l’Assemblée nationale, des gendarmes ont fait irruption pour expulser les députés de la principale coalition d’opposition, qui s’opposait au vote de la proposition de loi. C’était un scénario cauchemardesque, une première dans l’histoire politique du Sénégal. La salle ne comportait plus que les députés favorables au report de l’élection présidentielle, qui ont voté la proposition de loi à 105 voix pour et 1 contre.

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Cette nouvelle loi a fixé une nouvelle date du scrutin sur le 15 décembre, et le président Macky Sall reste en poste jusqu’à la prise de fonctions du nouveau président. Ce qui se passe au Sénégal ressemble de loin à une manœuvre au sommet de l’État pour conserver le pouvoir même après les nouvelles élections. En effet, le président a annoncé l’abrogation du décret convoquant le collège électoral, sans parler de report de l’élection présidentielle.

La raison évoquée est un conflit entre le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale qui a mis en place une commission d’enquête sur le traitement des candidatures. Or, la Constitution donne au Conseil constitutionnel des pouvoirs exclusifs dans la désignation des candidats pouvant compétir à la présidentielle, et ses décisions même discutables, sont irréversibles.

L’Union des magistrats sénégalais (USM) avait d’ailleurs « vigoureusement condamné une telle démarche » qui porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et qui constitue un précédent dangereux pour l’indépendance de la justice. Aucune commission parlementaire n’a compétence pour entendre un magistrat, avait ajouté l’UMS.

Une crise créée de toute pièce !

Sur un autre plan, cette commission a été proposée par le PDS parti de Karim Wade qui estime avoir été injustement exclu de la course présidentielle par le Conseil constitutionnel. La commission a été adoptée grâce à une sorte de coalition entre les députés du groupe parlementaire du PDS et ses alliés et le groupe parlementaire de la mouvance présidentielle. C’est cette même coalition, de facto, qui a voté le report de l’élection présidentielle confortant donc Macky Sall dans son fauteuil au-delà du 2 avril, date de fin de son mandat.

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Ces évènements semblent donc montés par une union entre ces deux camps. Cependant, conformément à l’article 103 de la Constitution sénégalaise, la durée du mandat du président est intangible, même si l’article 52 donne au Président des pouvoirs exceptionnels en cas de crise institutionnelle. Or la crise institutionnelle évoquée par les partisans du report semble avoir été créée exprès, pour justifier un report de l’élection présidentielle.

De son côté, l’opposition qualifie ce report de scandale et promet ne plus reconnaitre Macky Sall « au-delà du 2 avril ». Ce dernier pourra même voir son mandat prolongé ad vitam æternam, puisqu’il envisage un dialogue politique qui ne dépendra que de la fin des travaux de la Commission d’enquête parlementaire. Si celle-ci traine, eh bien, la date du 15 décembre fixée par le Parlement pour le prochain scrutin ne pourra être tenu. Il sera donc un président de transition, à l’issu de ce qui ressemble de plus en plus à un coup d’État institutionnel.

C’est donc une réelle crise politique qui s’annonce pour le Sénégal, comparable au chaos que prédisait Macky Sall en 2011, face à Abdoulaye Wade qui envisageait également de prolonger son mandat. En prime, une crise sociale avec des manifestations dans les rues et des incidences sur les activités économiques.

La Rédaction