Niger : que cache le changement de ton des États-Unis envers le CNSP ?

Niger - qu’est-ce qui se cache derrière le changement de ton des Américains envers le CNSP ?

Alors qu’ils optaient pour une méthode douce envers les militaires ayant pris le pouvoir au Niger depuis le 26 juillet, les Américains ont changé de ton ce mardi. Ils ont pour la première fois, qualifié la prise du pouvoir de coup d’État, ce qui entraine la suspension de leur aide au pays. Les raisons officielles sont autant floues que l’attitude des États-Unis.

La France, depuis le coup d’État au Niger, n’est plus la bienvenue dans ce pays d’Afrique de l’ouest. Ce qui n’était pas le cas des États-Unis envers qui les militaires n’ont affiché aucune hostilité. Des personnalités françaises ont d’ailleurs souvent dénoncé l’attitude ambiguë des USA qui ne les soutenaient pas dans le bras de fer avec les nouvelles autorités nigériennes, représentées par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).

Revirement des Américains

Dans une déclaration publiée par l’ambassade américaine au Niger relayant des propos du porte-parole du département américain Matthew Miller, « les États-Unis ont conclu qu’un coup d’État militaire avait eu lieu au Niger ». Cette décision implique, « conformément à l’article 7008 de la loi de crédits annuelle du département d’État », que les aides des USA au Niger sont suspendues. Il aura fallu deux mois, malgré les critiques du partenaire français, pour que les États-Unis reconnaissent le coup d’État.

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La raison officielle est qu’ « au cours des deux derniers mois, nous avons épuisé toutes les voies disponibles pour préserver l’ordre constitutionnel au Niger » , a expliqué M. Miller aux journalistes. Cette justification cadre avec les raisons données depuis juillet par les Américains pour garder une marge de manœuvre avec les militaires au pouvoir. En effet, Washington expliquait qu’il existe une « petite fenêtre » pour la diplomatie et le rétablissement de Bazoum au pouvoir.

Les Américains espéraient donc que ce coup d’État n’aboutira pas, une justification à laquelle il est difficile de croire. En effet, depuis le renversement de Bazoum, il était évident que les militaires, qui avaient affiché leur union, n’accepteraient pas de faire volte-face et les USA avec leurs renseignements auraient pu lire entre les lignes. L’option d’une intervention militaire qui aurait été le seul moyen de les chasser du pouvoir n’a pas été non plus accueillie favorablement par les USA.

Des raisons inavouées ?

John Kirby, porte-parole du Conseil national de sécurité, affirmait début août qu’il n’y avait aucune menace contre les citoyens américains et les installations du pays au Niger. Les intérêts économiques devaient donc aussi beaucoup peser dans la balance pour que les Américains choisissent de ménager les militaires nigériens. Mais deux mois après, la menace s’est-elle matérialisée ? Si la présence russe au Niger peut être considérée comme une menace, alors la réponse à cette question serait oui.

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En effet, la volte-face des USA survient après l’accueil à Niamey les 2 et 3 octobre, de l’ambassadeur russe au Mali et au Niger, avec résidence à Bamako, Igor Gromyko. Le diplomate a rencontré successivement le Premier ministre du Niger Lamine Zeine, le ministre de la défense du Niger, le Gal Salifou Mody et le président du CNSP, chef de l’État du Niger, le Gal Abdourahmane Tchiani. Le diplomate russe a rassuré de la continuité des relations entre son pays et le Niger et de leur renforcement dans les domaines politique, économique et sécuritaire.

C’est un secret de polichinelle que la coopération ouverte avec la Russie est une ligne rouge que les USA fixent à leurs partenaires africains. Et quelques jours après l’affichage de ce renforcement des relations Russie-Niger, les Américains ont décidé de reconnaitre le coup d’État et de couper leur coopération économique avec le pays. Au-delà des raisons officielles données, cette hypothèse mérite d’être prise en compte.

La Rédaction