Réconciliation en Côte d’Ivoire: le prix politique des accolades forcées

Réconciliation en Côte d'Ivoire , le prix politique des accolades forcées

On peut voir du sincère dans la volonté de réconciliation en Côte d’Ivoire, mais sûrement pas dans les sourires et accolades des deux frères ennemis ivoiriens. Qu’à cela ne tienne, le président Alassane a déroulé le tapis rouge à son prédécesseur Laurent Gbagbo, reçu mardi 27 juillet au palais de la présidence ivoirienne. L’heure de faire taire les rancœurs a, semble-t-il, sonné à l’honneur ou au regret des victimes de la crise, qui cherchent encore leurs bourreaux ?

Après n’avoir pas opposé de refus au retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, il était de bon ton que le président Alassane Ouattara le rencontre. Un premier contact téléphonique au début du mois, et la rencontre de mardi, pour baliser la voie à la réconciliation en Côte d’Ivoire. Une rencontre qui prouve encore aux fanatiques que la politique n’est qu’un marché de dupes.

L’heure de fumer le calumet de la paix ?

« Comment tu vas Laurent ? Content de te voir ». C’est par ce tutoiement digne d’une retrouvaille entre vieux copains, que le président ivoirien a accueilli son frère Gbagbo sur le perron du palais présidentiel. S’en est suivi l’accolade et la poignée de main. Le point de presse, trente minutes plus tard, n’a laissé entrevoir aucune inimitié entre les deux hommes.

Tout ivoirien et africain, meurtri par ces années de crise, ne peut en tirer qu’un satisfecit, puisque la réconciliation en Côte d’Ivoire, cheval de bataille de tous les politiciens dans le pays, est véritablement sur les rails. Mais professer un amour naissant entre les deux hommes d’Etat, serait verser dans la déraison. En effet, difficile de tourner ainsi la page d’une décennie de rivalités qui a fait tant de dégâts dans le pays.

Des rivalités entre les deux hommes, qui ont connu leur apogée en 2010 avec un refus de Laurent Gbagbo, de reconnaitre les résultats de l’élection présidentielle donnant vainqueur son rival. Et comme conséquences, 3000 morts et des stigmatisés à vie. La suite nous la connaissons. Dix ans de procès pour Gbagbo, très loin de la Côte d’Ivoire et un honneur trainé dans la boue. Mais il s’en sort blanchi des accusations.

Qui est alors coupable des morts ? Les regards pourraient se tourner vers le pouvoir de Ouattara. Après avoir embrasé la Côte d’Ivoire, les deux hommes d’Etat sont aujourd’hui tous perdants à différents égards. Alors, il convient de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Au moins, ils seront tous gagnants à œuvrer pour la réconciliation en Côte d’ivoire qu’ils avaient contribué à mettre en lambeaux.

A part eux, tout le pays sera gagnant. En témoigne les félicitations adressées aux deux présidents par le PDCI, parti du troisième cador de la scène politique ivoirienne, Henri Konan Bédié. Tout le monde comprendra alors qu’on force l’amour, sauf peut-être les partisans fanatiques.

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Les ressentiments sacrifiés sur l’autel de la réconciliation en Côte d’ivoire

Hormis ceux qui ont perdu la vie et ceux qui portent des stigmates, il y a aussi ceux qui sont en prison du fait de la crise sus-évoquée. Et la réconciliation en Côte d’Ivoire, doit se faire avec tout ce beau monde. Aussi, Laurent Gbagbo a-t-il plaidé la cause des prisonniers de 2010-2011. Il a demandé au président Ouattara de faire « tout ce qu’il peut pour les libérer ».

Si tel est le cas, qu’en est-il alors de ceux qui ne sont plus ? De même pour ceux qui sont à jamais meurtris, reconnaitront-ils un jour les véritables commanditaires de leur malheur ? Le sujet peut ne plus valoir son pesant d’or, puisque la réconciliation en Côte d’ivoire est en marche. Comme quoi, quand l’intérêt nationale l’exige, il faut faire table rase du passé, quitte à enterrer les questions sans réponses, et laisser les coupables profiter de leur vie.

Ceux qui comptaient sur l’un ou l’autre des deux hommes d’Etat, pour enfin être soulagés devront se contenter de la réconciliation nationale enclenchée par les sourires réconciliés. Oui, parce qu’elle prime sur tout le reste.

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Esso A.