Ce jeudi 27 mai, le chef de l’Etat français se rend à Kigali où les mots du président Macron sont très attendus. La raison est toute simple. C’est un déplacement historique pour Emmanuel Macron à cause des années de brouille diplomatique entre les deux Etats. Depuis le génocide des Tutsis en 1994, Macron est le deuxième président français à faire le voyage au Rwanda. Les rwandais sont alors très impatients d’écouter les mots du président Macron.
En effet, il y a seulement ces trois ans que les deux pays se sont rapprochés. Le programme du chef d’État s’annonce chargé dans la capitale. Beaucoup de Rwandais espèrent des excuses de la France après les événements de 1994.
Les mots du président Macron sur le rôle de la France
Avant de son départ pour le Rwanda, Emmanuel Macron a exprimé sa « conviction profonde » à propos de sa visite : le président français est convaincu qu’une « page nouvelle de notre histoire avec le Rwanda et l’Afrique » va s’écrire. Selon plusieurs sources, à Kigali, il donnera une conférence de presse avec Paul Kagamé, avant un entretien et un déjeuner entre les deux hommes. Ce qui confirme la thèse selon laquelle les mots du président Macron sont très attendus.
Cependant, le moment fort de cette journée est la visite du mémorial du génocide de Gisozi. Construit à partir de 1999, ce mémorial a été inauguré cinq ans plus tard. Plus de 250 000 personnes sont enterrés à l’extérieur, sous d’imposantes dalles de béton.
À l’intérieur, un musée retrace l’histoire du génocide des Tustis. De la montée de la haine aux massacres, photos et vidéos racontent l’horreur vécue au printemps 1994. Quelques clichés rappellent aussi le soutien français apporté au pouvoir de l’époque. Et pour le guide Serge Rwigamba, pas de doute : « La France a joué un rôle de responsabilité. ». Sans nul doute, les rwandais attendent de pied fermes les mots du président Macron au cours de cette visite. C’est donc dire qu’il « Il y a besoin de mettre des mots sur le rôle exact de la France »
À l’issue de cette visite, un discours du président Emmanuel Macron tiendra est très attendu. Quels seront les mots du président Macron ? Va-t-il présenter des excuses, comme l’ont fait par le passé les États-Unis, la Belgique, les Nations unies ou l’Église catholique ? Pour l’heure, la question est sans réponse. Et l’on raconte d’ailleurs que son entourage entretient d’ailleurs savamment le mystère.
Ce que l’on sait, c’est que le président devrait prononcer un discours d’une vingtaine de minutes. Une intervention pour laquelle il a, dit-on, beaucoup consulté, notamment des intellectuels africains. Son message s’adressera aux victimes du génocide des Tutsis et aux rescapés. « Il y a besoin de mettre des mots sur le rôle exact de la France dans cette période allant de 90 à 94 », explique un conseiller du président français.
Ce désir d’entendre les mots du président Macron se ressent spécialement au sein d’Ibuka Rwanda, la principale organisation de rescapés du génocide. Egide Nkuranga, son président se prononce : « Il pourra peut-être demander pardon au nom de la France. (…) C’est tout ce qu’on attend. Et le reste, ça va continuer ». « Le reste, c’est la quête de justice : les rescapés veulent que la poursuite des génocidaires réfugiés en France s’accélère et que le rapport Duclert serve de base à d’éventuelles plaintes contre des responsables français de l’époque », a-t-il ajouté
Une avancée marquée par la commission Duclert
En 2010, alors qu’il était en visite au Rwanda, Nicolas Sarkozy avait reconnu de « graves erreurs d’appréciation » de la part de la France, « des erreurs politiques » et une « forme d’aveuglement ». A l’époque, le directeur du mémorial de Gisozi, Freddy Mutanguha, lui avait montré des images du soutien français à l’ancien régime de Juvénal Habyarimana. « Il a écouté mais n’a pas fait de commentaires », se souvient-il.
Le président Emmanuel Macron fera mieux que son prédécesseur? Tout porte à le croire, car entretemps, les lignes ont bougé : la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert a récemment conclu à des responsabilités lourdes et accablantes de Paris dans le génocide des Tutsis.
Que l’on entende les mots du président Macron ou pas, le sénateur André Twahirwa salue un grand pas pour les deux pays : « Cette visite, en soi, suffirait. Elle n’est pas que symbolique. À ce niveau-là, une visite vaut un acte politique. Je crois que c’est vraiment une grande étape. C’est la fin d’un processus de médiation et le début d’un processus de coopération dans tous les domaines », a-t-il déclaré.
De son coté, Freddy Mutanguha loue aussi les avancées menées par les deux Etats, mais espère quand même que dans les mots du président Macron, des excuses seront formulées ce jeudi : « Ce serait une bonne chose. » Toutefois, si des excuses ne viennent pas maintenant, le directeur du mémorial espère qu’elles seront présentées dans le futur. Les rwandais n’ont pas été déçus. Le président français reconnait la responsabilité de la France. « Je viens reconnaître nos responsabilités », a déclaré Emmanuel Macron.