Procès Zuma en visioconférence : l’inconstitutionnalité dénoncée à la déshumanisation enclenchée

Procès Zuma en visioconférence , l’inconstitutionnalité dénoncée à la déshumanisation enclenchée

Pour des craintes de nouveaux incidents en Afrique du Sud, le tribunal de Pietermaritzburg a opté pour un procès Zuma en visioconférence. Ce qu’a dénoncé les avocats de l’ancien président Jacob Zuma.

Lors de son procès lundi dernier, Jacob Zuma n’est pas sorti de prison pour l’assister. Avant l’audience, il avait lancé un appel à ses partisans pour un rassemblement devant le tribunal de Pietermaritzburg où devrait avoir lieu normalement son procès. Cet appel a conduit à un changement de la procédure.

Procès Zuma en visioconférence pour éviter le pire

Suite à la condamnation de l’ancien président Jacob Zuma à 15 mois le 29 juin dernier pour outrage au tribunal, des manifestions de rue ont eu lieu en Afrique du sud. Elles ont été marquées par de violentes révoltes et de pillages de commerces dans le pays.

Ces manifestions violentes ont causé d’énormes dégâts matériels et humains. La police sud-africaine dénombrait 6 morts et 219 arrestations. Face à ces dérapages funestes, le tribunal a décidé, lundi, d’un procès Zuma en visioconférence. Au terme de cette audience que le président Jacob Zuma a suivie par visioconférence sans prendre la parole, le tribunal a accepté une nouvelle demande de report déposée par ses avocats.

Selon ces derniers, ce procès Zuma en visioconférence privait leur client de ses droits constitutionnels, essentiellement celui de pouvoir consulter sa défense. C’est pourquoi ils demandent une audience en « présentiel ». Relativement à cette question d’inconstitutionnalité, le juge Piet Koen a indiqué que « toutes les parties sont invitées à déposer une liste d’arguments ». Cependant, le camp Zuma crie déjà victoire : « la Constitution a gagné enfin ! ». Il a précisé qu’« il ne peut y avoir AUCUNE audience pénale virtuelle en l’absence de l’accusé qui de ce fait ne peut consulter ses avocats ».

Les avocats de Zuma ont, donc, fait valoir ce droit constitutionnel du président, même si le procès Zuma en visioconférence n’est pas la première audience virtuelle en Afrique du sud. De nombreux procès sont menés virtuellement à cause de la troisième vague meurtrière de coronavirus.

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Pourquoi un procès en visioconférence est-il inconcevable ?

L’utilisation des TIC offre de nombreux avantages aux justiciables en terme de gain de temps, d’amélioration de l’accès au droit. C’est justement à la condition que ceux-ci aient les moyens, matériels, intellectuels, d’accéder à ces TIC et qu’ils conservent un réel accès au juge. Au-delà de ces avantages que cette méthode contemporaine de procès regorge, les Technologies de l’Information et de la Communication recèlent aussi un certain nombre de dangers à la procédure judiciaire. Le risque assez patent ici est, de manière générale, lié à la déshumanisation de la justice.

En effet, la justice n’est pas un service public comme les autres et la procédure ne doit pas être perçue comme une simple technique d’organisation du procès. Ainsi, les objectifs de performance, de rentabilité, d’efficacité ne doivent pas nuire à la qualité de la justice, à sa dimension éminemment humaine. Car, l’utilisation des TIC n’est pas une simple question d’ordre technique, elles ont un réel impact sur la mission de juger et sur les droits procéduraux des justiciables.

Le recours à la visioconférence s’apparente à un terrible renoncement, notamment à l’échange humain. C’est un droit élémentaire pour un accusé d’être face à ses juges lors du prononcé d’un verdict qui le concerne. Le procès en visioconférence impose, également, à son avocat d’avoir à choisir d’être à côté de son client en détention, ou en salle d’audience face au juge. C’est tout simplement déshumaniser le procès pénal.

Par ailleurs, la distanciation sociale qu’impose la visioconférence amène à ignorer la condition physique d’une personne malade, et soustrait en quelque sorte aux yeux de tous, la scène dérangeante d’une personne malade qui ne peut faire face à ses juges. « Qu’on soit avocats en défense ou en parties civiles, nous demandons tous que cette audience se tienne dans des conditions exemplaires, parce qu’absolument tout le monde a droit à une justice digne de ce nom », a soutenu Safya Akorri, avocate au Barreau de Paris.

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Boscar A.