Tchad : il y a eu trois Hissène Habré, selon Ousmane N’Diaye

Tchad , il y a eu trois Hissène Habré selon Ousmane N’Diaye

Après avoir dirigé le Tchad entre 1982 et 1990, Hissène Habré a passé ses dernières années en exil au Sénégal. Et c’est à Dakar où il a été condamné à perpétuité, pour des crimes commis au Tchad, qu’il succombe du covid-19, ce mardi 24 août 2021.

Selon Ousmane N’Diaye, journaliste à TV5MONDE, Hissène Habré a connu trois phases dans sa vie. D’abord, le révolutionnaire qui a libéré son pays. Ensuite le tortionnaire et enfin le fugitif.

Le guérillero intellectuel libérateur

Hissène Habré est né en 1942 à Faya-Largeau, dans le nord du Tchad. Il fut selon N’Diaye un « étudiant révolutionnaire qui a fréquenté les grandes écoles ».

En effet, en 1963, Habré est parti étudier en France, à l’Institut des hautes études d’Outre-mer. Il fit, ensuite, des études de droit et fréquenta l’Institut d’études politiques. Disciple de Raymond Aaron, il décide après ses longues études, de prendre le chemin du maquis, dans le nord du Tchad.

En 1971, Habré revient au Tchad et se fait connaitre comme « le guérillero intellectuel qui venait libérer son pays ». Il rejoint, alors le Front de libération nationale du Tchad, le Frolinat, dont il prend la tête, avant de fonder le conseil des Forces armées du Nord, le Fan.

Il s’est fait aussi connaitre sur le plan international par la rétention comme otage trois ans durant, de l’ethnologue française Françoise Claustre. Il a ainsi pu obliger la France à négocier avec la rébellion.

Pour N’Diaye, ce premier Hissène Habré se conclu « de très belle fort manière » puisque Habré réussi à rentrer à N’Djamena et prendre le pouvoir.

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Hissène Habré, le tortionnaire

Le journaliste de TV5MONDE estime que Habré, après sa prise de pouvoir a réussi à créer « un des systèmes de répression les plus meurtriers de la période 80, 90 en Afrique ». En effet, soutenu par la France et les Etats-Unis, Hissen Habre sort, victorieux de la guerre civile qu’il a déclenché contre Goukouni Weddeye, président du Gouvernement d’union nationale, allié de Kadhafi.

Il régna alors d’une main de fer pendant huit ans, marqués par une répression sans précédent de ses opposants. Une commission d’enquête estimera à plus de 40 000 le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées sous son règne, dont 4 000 identifiées nommément.

Mais en décembre 1990, il sera renversé par « un de ses bras droits, le chef de son armée ». Idriss Deby Itno, à la tête d’un groupe de rebelles, l’oblige à fuir N’Djaména et à trouver refuge à Dakar.

L’ancien président devenu fugitif

C’est « moyennant une négociation avec l’Etat sénégalais » que Hissène Habré a pu s’installer à Dakar selon Ousmane N’Diaye. Il était obligé de se faire discret. Mais sa traque a continué pendant vingt ans jusqu’à son arrestation le 30 juin 2013 à Dakar. Suivie de son inculpation par un tribunal spécial créé en vertu d’un accord entre l’Union africaine et le Sénégal.

Il a eu droit à un retentissant procès au bout duquel, il sera condamné à la prison à perpétuité pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, tortures et viols.

L’épilogue a été ce matin du 24 août, où le consulat de Tchad a appris à l’AFP, le décès de Hissène Habré des suites du covid-19 à l’âge de 79 ans. Il était tombé malade quelques jours auparavant et avait été sorti de la prison du Cap Manuel, pour être admis, à la demande de sa famille, dans une clinique privée, où il a contracté le virus.

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Selon le journaliste N’Diaye, la dernière image de Hissène Habré qui reste est l’homme qui « refuse de faire face à ses responsabilités » devant la justice. Son image de libérateur a été effacée par celui de tortionnaire et il n’a jamais voulu admettre ses responsabilités. Il est sorti par la petite porte sans laisser d’héritier dans l’histoire politique tchadienne.

Esso A.